Le monde de James Matthew Barrie


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Voyage à Londres sur les pas de James Matthew Barrie : avril 2007 - Part Two

Le jour où j'ai rencontré le Capitaine Crochet.

Dimanche 2 avril 2007.

Oui, c'est la terrible vérité.

Il était à l'aéroport d'Edimbourg, ce matin, afin de probablement me souhaiter un bon voyage.

Au bout de son crochet, un mouchoir couleur... guimauve, ma couleur, celle de votre site.

J'en ai froid dans le dos en y repensant. Je me dis que ce fut l'ultime clin d'oeil de mon cher Barrie, qui est doté d'un sacré humour.
C'est une histoire que je vous raconterai peut-être un jour.
De retour d'Ecosse, de ma maison de coeur et d'imagination, j'ai beaucoup à vous raconter et à vous montrer, mais ce soir il est tard et je suis très fatiguée. Une centaine de courriels à lire ou à jeter (et encore des demandes d'aide pour des mémoires de master ! Je sature. Les gens ne peuvent-ils pas travailler seuls ? J'adore aider, mais seulement quand les demandeurs me prouvent qu'ils ont déjà oeuvré par eux-mêmes - ce qui est rarement le cas.), une dizaine de lettres postales, beaucoup de choses à trier, à ranger (des trésors d'Ecosse), des vidéos à encoder (pour vous)... Mais, dès demain, je pense commencer mon récit en image de ce voyage peu ordinaire.
Je vous laisse en compagnie de cette image égocentrique représentative de mon bonheur, je le crois, dans ce pays de fées, de fantômes et d'infini. Un petit champ de jonquilles dans un endroit cher à Jamie. Et dire que je suis censée de pas aimer la nature ! Mais comment ne pas l'aimer en Ecosse ?

Je vous préviens. Je suis d'humeur sentimentale et je dégouline de bons sentiments. Tout ceci est écoeurant ! Si je pleurais, ce serait assurément une coulée de caramel sur mes joues couleur sucre d'orge. Ma bouche est une fraise Tagada et mes bras sont mous comme de la guimauve. Mon coeur est une pomme au sucre, mais empoisonnée, celle de la vilaine sorcière de Blanche-Neige et mes neurones des Bêtises de Cambrai. Cela promet ! Vous allez avoir la nausée, je le crains. Je suis encore sous l'effet des drogues puissantes (une dose de cheval) qui m'ont été nécessaires afin d'accepter de monter dans un petit coucou de la British Airways et ma dyslexie revient danser sous mes doigts qui confondent les touches du clavier. Je vous demande du temps à tous afin de vous répondre personnellement. Toute cette série écossaise de billets barriens que je vous destine, au fil des jours, est dédiée à mon Mari, à mon Amour, à mon Dieu, au Magicien de ma vie, à l'homme sans qui mon existence serait une erreur (pardon Nietzsche, je vous plagie un peu). Je ne connais personne en ce monde qui soit capable de mettre le monde dans votre main comme il sait le faire si bien pour moi. Il est la beauté et l'innocence de l'univers, la lucidité également. Sa bonté n'en a que plus de mérites. Il est comme Alcide, le personnage de Voyage au bout de la nuit : "il tutoie les anges". Il ne le sait pas, mais il a plus en commun avec James Matthew Barrie qu'il ne le croit et il a apprivoisé le Capitaine Crochet qui, comme chacun le sait, est une mère sans enfant. Ceci, je vous le prouverai un jour.

***

THE GRAVE ON THE HILL :

Mon voyage m'inspire tout de même la sobriété, malgré mon tempérament de feu et ma propension à ce que mon mari appelle "l'exaltation permanente", et ce que je nomme ma grandiloquence enfantine, car ici le sublime vous pétrifie. Ce n'est ni Kant ni Burke

 

"WHATEVER is fitted in any sort to excite the ideas of pain and danger, that is to say, whatever is in any sort terrible, or is conversant about terrible objects, or operates in a manner analogous to terror, is a source of the sublime; that is, it is productive of the strongest emotion which the mind is capable of feeling. I say the strongest emotion, because I am satisfied the ideas of pain are much more powerful than those which enter on the part of pleasure. Without all doubt, the torments which we may be made to suffer are much greater in their effect on the body and mind, than any pleasure which the most learned voluptuary could suggest, or than the liveliest imagination, and the most sound and exquisitely sensible body, could enjoy. Nay, I am in great doubt whether any man could be found, who would earn a life of the most perfect satisfaction, at the price of ending it in the torments, which justice inflicted in a few hours on the late unfortunate regicide in France. But as pain is stronger in its operation than pleasure, so death is in general a much more affecting idea than pain; because there are very few pains, however exquisite, which are not preferred to death: nay, what generally makes pain itself, if I may say so, more painful, is, that it is considered as an emissary of this king of terrors. When danger or pain press too nearly, they are incapable of giving any delight, and are simply terrible; but at certain distances, and with certain modifications, they may be, and they are, delightful, as we every day experience. The cause of this I shall endeavour to investigate hereafter."

 

qui me contrediront. L'incandescence fut intérieure et je perdis, un à un, tous mes mots. Je n'ai jamais su parler ; je bafouille ; je bégaie ; l'émotion tire en pelote le léger cheveu déposé sur ma langue et je commets des erreurs grammaticales, etc. Je préfère mille fois écrire, mais me voici démunie de tout en ce lundi, qui est le demi-réveil, en quartier de lune, d'un voyage inachevé. Oui, car je reviendrai, au plus tard dans 3 ans, pour les célébrations autour de J. M. Barrie, afin de jeter mon gant (vous savez sa couleur) à la mégère qui a osé écrire une suite à Peter Pan. Je lui demanderai raison de cette offense.
Loin de croire connaître l'Ecosse, puisque je n'ai palpé, touché, reniflé et aimé qu'une minuscule partie de ce pays plus vaste qu'il n'y paraît sur une carte d'Europe, et ce, pendant un temps relativement court, je crois néanmoins en avoir saisi l'essence au premier regard. Il m'a semblé revenir au pays de ma naissance, celle qui précède la naissance des mortels, de tous les mortels qui n'ont pas peur de se souvenir. Mon sang coule aussi jaune que celui de Hook et j'en sais la raison.
Nous sommes arrivés pendant un coucher de soleil sur un loch,

un peu égarés dans l'immensité verte de l'Ecosse. La nuit était presque tombée. Nous avons cependant trouvé notre chemin parmi les ombres remuantes et sifflantes. Je savais que rien de grave ne pouvait m'arriver une fois les pieds sur le sol de ce pays-là. Je n'ai pas peur des fantômes. Je suis prête à les bercer dans mon giron, à les allaiter avec ma mémoire. Mon mari est le meilleur conducteur au monde et son sens de l'orientation, avec ou sans GPS (nous en avions tout de même un ; prudence est mère de sûreté), est incroyable. La preuve, nous ne nous sommes jamais (involontairement) perdus. Notre lieu de résidence fut exceptionnel. J'en reparlerai, car je dois rendre hommage à ces gens, discrets et efficaces, généreux dans leur silence.

Le lendemain, notre premier devoir et désir fut de nous recueillir sur la tombe de notre hôte, celui qui avait inspiré ce voyage. Depuis toutes ces années, il était enfin temps de me présenter à mon vieil ami. De son lit éternel, il a une belle vue.



 

J'ai cru sentir un instant sa main sur mon épaule gauche dès le moment où j'ai pénétré dans le cimetière sur la colline.

Instinctivement, je me suis dirigée vers la tombe aimée. Je savais où elle était. Nul besoin de plan. Je courais. Une vidéo trop impudique vous sera scellée, car je crois que je me suis effondrée à ce moment-là, lorsque m'est apparu l'endroit.

 

 

Mon mari est invisible. Il est comme l'épouse de M. Columbo. Mais vous pourrez l'entendre donner le "Clap" ou le "Top" de nombreuses vidéos. J'aurais pu couper au montage ces petites choses, mais je n'en ai pas envie.

 

 

Je ramène de la terre d'Ecosse, de la terre d'une tombe. Une petite poignée. Ceci n'est pas un sacrilège, comprenez-le bien, ni un illégitime et mesquin désir de possession, mais un moyen pour moi d'offrir un fragment de mon voyage à qui m'est cher.

 


Terre par misshollygolightly

 

***

STRATH VIEW :

 

 

Strath View. Je ne sais pas si ces mots signifient quelque chose pour beaucoup de gens en France. Mais, pour moi, c'est en soi une invitation. Recevoir un carton aux bords dorés et calligraphié, expédié par la Reine d'Angleterre elle-même, me ferait moins d'effet !
Cette invite m'est offerte, spontanément, par la propriétaire des lieux, que j'appelle de France pour convenir d'un rendez-vous. Il faut préciser que mon ami Robert Greenham a orchestré tout ceci et qu'il m'a fait un inestimable cadeau d'anniversaire en jouant ce rôle d'entremetteur. J'y crois à peine lorsque mon mari frappe avec le lourd marteau de la porte. Mais ma bienfaitrice arrive dans notre dos et me souhaite d'emblée un "Happy Birthday".
Sheila (dont je respecte la tranquillité en ne la nommant pas davantage) est une personne délicieuse, cultivée, passionnée, d'une générosité rare, et une barrienne d'excellence, puisqu'elle fut le conservateur de la maison natale de Barrie (au 9 Brechin Road, où je vous conduirai bientôt en vidéo). Elle habite depuis fort longtemps la maison de Barrie, sa seconde maison à Kirriemuir. Il y emménagea en 1868. Plus tard, ses parents déménagèrent à Forfar, mais la maison demeura dans la famille, puisque le frère de Margaret Ogilvy (la mère de Jamie), un ministre (pasteur), l'acheta et laissa ensuite le premier étage aux Barrie. Sheila me précise que cette maison fut plutôt une maison heureuse pour Barrie.
Vous ne saurez jamais mon sentiment lorsque je vis le haut de la cheminée en bois sculpté par la soeur de Barrie ou lorsque je pénétrai dans la petite chambre ronde du haut, où Barrie fut marié par son oncle. C'était la pièce préférée de Margaret Ogilvy. Je l'imagine assise dans un coin. Il reste un petit objet en verre bleu de cette époque, que Sheila dépose entre mes mains. Je tremble légèrement, de plaisir.

Sheila est digne d'habiter ce lieu,

 

 

car à sa manière elle entretient l'esprit de la maison (bien sûr que les maisons ont une âme et des souvenirs !) et la mémoire, d'une piété discrète, sans ostentation, mais réelle. Je sais reconnaître la sincérité lorsqu'elle est aussi éclatante. Il y a sur un mur une petite tapisserie en couleur qui représente le rideau de la pièce Peter Pan,

une jolie réplique qu'elle a brodée et qui fait sonner minuit dans mon coeur. Tous les détails y sont à l'identique, en miniature. Les noms d'Andersen, de Charles Lamb ou de Lewis Carroll répondent présents à l'appel du passé. Ceux qui me lisent ont souvent croisé une ou deux silhouettes ici même.

Lorsqu'elle acheta la maison, elle ignorait tout de son illustre prédécesseur. Un jour, en découpant de la vigne vierge apparut une plaque

sur laquelle était gravé le nom bien connu de mes lecteurs et elle se sentit le devoir de faire connaissance avec l'ancien propriétaire des lieux. Ceci en dit long sur le beau caractère de cette femme.

Je tairai tous mes émotions qui me prennent encore à cet instant en tenaille.
Merci Sheila pour ces instants. Tout simplement. Merci d'avoir subi mon anglais cassé et de m'avoir ouvert votre intimité.

Lorsque je lui demandai si elle avait ressenti la présence du fantôme du Barrie, elle me cita deux cas très précis et fort troublants, dont je ne révèlerai rien ici. Mais Jamie s'est manifesté. Ou il nous plaît de le croire et cela revient au même.

 

"This is Jess's window.

For more than twenty years she had not been able to go so far as the door, and only once while I knew her was she ben in the room. With her husband, Hendry, or their only daughter, Leeby, to lean upon, and her hand clutching her staff, she took twice a day, when she was strong, the journey between her bed and the window where stood her chair. She did not lie there looking at the sparrows or at Leeby redding up the house, and I hardly ever heard her complain. All the sewing was done by her; she often baked on a table pushed close to the window, and by leaning forward she could stir the porridge. Leeby was seldom off her feet, but I do not know that she did more than Jess, who liked to tell me, when she had a moment to spare, that she had a terrible lot to be thankful for."

 

***

THE DEN :

Ma curiosité était à la fois celle d'une amoureuse éperdue de Barrie mais aussi faisait montre d'une circonspection toute linguistique. J'étais, par avance, intriguée par ce "den", tout comme il m'a toujours semblé que traduire "the glen" par "gorge" ou "vallée" était réducteur, car le glen est bien une gorge, mais écossaise, pourvue d'une distinction propre que ne recouvrent pas tout à fait les mots français. Je ne parle même pas des "Fens", qui sont encore autre chose... mais hors du territoire barrien.
Dans ce mot "den" cohabitent deux choses : une dénomination géologique ou topographique et un symbole bien propre à l'imaginaire de l'auteur James Matthew Barrie, deux versants d'un mot qui se retrouvent dans la définition qu'en donne mon précieux Chambers's Scots Dictionary de 1911 (acquis sur ebay) : une gorge, une vallée, un ravin, "un repaire pour les jeux des petits garçons... Se cacher, se tapir dans un repaire..." Et le mot renvoie à "Dean", qui signifie "une profonde vallée boisée, une petite vallée, un creux où les deux bords du terrain sont en pente.

 

Le Glen, en Scots, est... une jonquille !!! Tandis que le Chambers Dictionary of Etymology le désigne dans son sens le plus usuel et large comme "une profonde vallée". Le mot provient de l'écossais, vers 1489. En référence à un lieu nommé Glendew, issu lui-même du gaélique, "gleann", montagne, vallée...

 

Quelques occurrences dans son oeuvre, à titre d'exemples, parmi ceux qui comptent double pour moi :
"I don't know whether you remember, but there were once some children who played at Jacobites in the Thrums Den under Tommy's leadership." (Tommy and Grizel) [Si je vous parle des Jacobites, j'en ai pour un mois...]
"One night the Painted Lady died in the Den (...)" (Ibidem)
Et n'oubliez pas qu'il est des fantômes qui hantent le Den... (Chapitre VI de l'oeuvre susnommée)
"She was still smiling at him, but her eyes were wet now, and she drew him on to talk of the days when Tommy was a boy. It was sweet to Grizel to listen while Elspeth and David told her of the thousand things Tommy had done for her when she was ill, but she loved best to talk with Corp of the time when they were all children in the Den. The days of childhood are the best."

Oui, les jours de l'enfance sont les meilleurs de tous, y compris lorsque l'enfance fut une pourriture. Tout ceci parce que l'enfance est avant tout un regard que la plupart des adultes perdent ensuite. La plupart mais pas tous... Ceux-là, épargnés, sont à la fois des élus et des exclus. Tout se passe comme si l'enfance essoufflée, vers douze ans, en ouvrant, pour la première fois, ses yeux sur le réel, devenait aveugle. Une seconde paupière recouvre tout à coup le premier regard porté sur l'univers, une paupière que rien ne peut déchirer sinon peut-être un don ou bien une incapacité physique et psychique à vivre dans le monde des adultes. Ces enfants vieux sont des monstres lorsque les adultes les contemplent de biais, n'osant croiser leur vision, car ils auraient honte, sans se l'avouer, d'avoir déserté la scène de leurs émois véritables.

 

 

***

BARRIE'S BIRTHPLACE :

Nous remontons le temps, à l'Origine. Tout a commencé ici. Il n'y a rien à dire de plus. Il faut apprendre à écouter les murmures des vieilles pierres et de la terre brune et généreuse de ce pays où les corbeaux sont rois. Salomon, le monarque des oiseaux, a parlé et a picoré jusqu'au sang mon coeur.D'une petite goutte rouge est né le Rêve, celui que font tous les gens comme moi, qui n'ont jamais rien eu à perdre. Je peux mourir demain. Je suis heureuse.






L'arrière de la maison natale de Barrie est situé non loin du poste de police de la ville de Kirriemuir, la petite ville en briques rouges et, néanmoins, la maison de Barrie est blanche (personne n'a pu m'expliquer pourquoi et j'enquête sur le sujet).

Elle fait sa révérence presque en face de la bibliothèque municipale,

où je me suis rendue samedi en fin de journée avant qu'il ne soit trop tard (tout ferme à quatre heures de l'après-midi !). J'ai d'ailleurs déniché une photo de Mary Ansell qui m'était inconnue

dans un livre qui l'était tout autant et que j'ai commandé sur abebooks. Les photos de Mary sont rares. J'en connais quatre ou cinq, pas plus, et il n'existe à ma connaissance aucune photographie de Jimmy et de Mary ensemble. Je ne désespère pas un jour d'en découvrir. Il suffit de tourner le coin de la rue pour trouver la porte d'entrée du 9 Brechin Road.

Nous entrons, cependant, par le numéro 11, où n'habitaient pas les Barrie, mais toutes les petites maisons de la rangée jouent au coude à coude et l'on a fondu le 9 et le 11. On les appelait des "tenements". Je me demande comment une si nombreuse famille pouvait loger dans un si petit endroit. Mais il me suffit de me souvenir de mon propre taudis, celui de mon enfance, pour ne plus me poser de questions aussi indélicates. Et, à Brechin Road, la vie était peut-être dure mais néanmoins douillette dans ce nid de verdure et très proprette, car Margaret Ogilvy était une femme qui tenait son foyer d'une main de fer. Puis, les morts, y compris les enfants, faisaient place aux Autres. Et puis le petit Jamie y trouva son inspiration en faisant de la buanderie son premier théâtre de poche avec son ami James Robb

[Photographie extraite du livre de Sandra Affleck, The Little Red Town, Ed. Authors on line, p. 140]

 

qu'il reverra bien des années plus tard (il lui apportera un canari offert par la ville de Kirriemuir avant que Barrie ne soit fait citoyen d'honneur de la ville)... J'en reparlerai à l'occasion du prochain billet. Un enregistrement sonore, qui passe en boucle à l'intérieur de cette cabane, nous rappelle qu'elle inspirera la maison de Wendy à Never Land.

[La buanderie ou laverie vue de dos, juste en face de la maison... Elle servait à plusieurs familles. Ne regardez pas la poubelle, elle n'existe pas.]

Petit tour d'horizon de cette wash-house :

[Le crocodile n'est évidemment pas d'époque...]

Ensuite, on pénètre par le numéo 11, où se tient une minuscule boutique de memorabilia - où vous trouverez, ô sacrilège, la "suite" de Peter Pan écrite par la Vieille Mégère, cette infâme peau d'écrivaillon aux dents de lait ; je vois rouge (c'est bien le cas de dire, eu égard au titre de son torchon) et je dis en français et en anglais ma colère, mon dégoût ; ma réputation est faite... Je m'en moque... Puis, toujours au rez-de-chaussée, se tient ensuite une pièce moderne, une sorte de vestibule pour accueillir le visiteur, une cuisine, qui jure avec tout le reste. Trois pages d'un manuscrit de Barrie sont encadrées et accrochées au mur sans aucune mise en valeur. Il est de très mauvais goût, également, si vous voulez mon avis, puisque cela casse l'ambiance victorienne ou édouardienne, de trouver du liquide vaisselle ou un évier en inox en cette place! Dans cette pièce, est mis à disposition un grand album rempli de coupures de presse, plus ou moins opportunes, de diverses époque et je m'empresse de prendre des notes. Je suis en quête de tout ce que j'ignore - l'essentiel de mes connaissances!

Il me semble que l'on pourrait faire mieux en terme de présentation, mais je ne sais pas si The National Trust of Scotland dispose de beaucoup de moyens financiers. Ceci dit, je me porte volontaire pour aménager différemment les lieux ! Je retarde le moment d'entrer véritablement dans le vif du sujet. Je prends de l'élan. Je respire.

  • La cuisine (en bas) :

La pièce suivante correspond au numéro 9 et nous sommes réellement dans la maison natale de Jamie. Il y a une cuisine, plus ou moins bien rétablie dans sa vérité d'antan, avec des objets authentiques et d'autres moins. Dans cette pièce

était disposé un lit accroché au mur

que l'on a reconstitué d'après les marques au mur. Au premier étage de la maison, quelques petits aperçus, puisqu'il est interdit de filmer, hélas... et les photographies ne sont pas spécialement les bienvenues. Ni tout à fait acceptées ni tout à fait refusées ; mais l'interdiction n'est vraiment pas formelle puisque rien n'est mis en place pour l'interdire et personne ne discute avec vous de ce sujet. De plus, je n'ai pas utilisé de flash, donc j'ai respecté la valeur de ces pièces rares et, eu égard au fait que l'on trouve sur internet quelques clichés, je ne me sens pas coupable d'offrir des images rapides à mes fidèles lecteurs, sans rien déranger, dérober ou abîmer. Je suis hélas contrainte de les défigurer avec l'adresse de mon site, car j'ai appris que certains malfrats n'hésitent pas à réutiliser à leurs fins personnelles le fruit de mon travail ! Qu'ils soient assurés que je ne les laisserai point m'abuser. J'ai toujours partagé avec bon coeur ce que je possède (la preuve en est, s'il est besoin, ce journal ou mon site Barrie), mais j'ai horreur que l'on se serve sans mot dire. Il est permis de toucher les objets avec douceur.

  • La chambre à coucher par fragments (au premier étage) :

Une peinture du fidèle Porthos exécutée par un ami de Barrie :

Une photographie rare de Margaret Ogilvy jeune avec trois de ses enfants, Alexander, Jane Ann et Mary.

Un objet que je ne peux pas effleurer avec calme ou indifférence :

Jimmy est né dans un berceau semblable en tous points, même si celui-ci n'est pas le sien. L'illusion est parfaite. Une des fameuses chaises que Margaret avait reçu le jour de la naissance de Barrie. Je ne savais pas réellement comment traduire au mieux ces "hair-bottomed chairs". J'avais avancé la vague idée de chaises cannées car j'ignorais l'usage du crin de cheval en la matière. Nobody's perfect. Maintenant, je comprends ma grave erreur. L'assise est en crin de cheval - je le répète pour la troisième fois. Margaret s'y installait pour allaiter Jamie.

  • The west Room (au premier étage) : L'ancienne cuisine du logement. Sur la table présente fut préparé et lavé le cadavre de David, le frère perdu, qui contient en lui, comme un fruit vert et déjà blet, les germes ou graines de Peter Pan. (Photographies à venir.)
  • Le salon (en bas) :

Le bureau de Barrie ramené de Londres trône. J'essaie d'en palper les vibrations. Il est protégé par une plaque de verre, sous laquelle apparaît une marqueterie très endommagée. Il est usé à droite et à gauche, puisque Barrie était, vous le savez, ambidextre - mais gaucher de naissance et de coeur, tout autant que d'imaginaire...

Egalement une banquette ramenée de Londres.

Au-dessus le fameux portrait de Barrie par Sir John Lavery.

  • Hommage à Peter Pan (au premier étage) :

La pièce consacrée à Peter Pan est ce qui me convainc le moins dans cette maison. Trop moderne, trop peu magique, trop coloré, trop flashy et infantile ; le trait est forcé à outrance, à l'opposé de l'oeuvre, et fait toc ; tout ceci manque de réalisme. Oui, de réalisme, car derrière le mythe féerique il est question d'une vérité ultime, celle de chaque être humain et de son rapport au temps, au vieillissement de son âme et de ses facultés reçues en don lors d'une sorte de paradis prénatal. Freud aurait pu tirer toute la quintessence de cette histoire qui n'a rien d'un conte pour enfant. Le tic tac que l'on entend dans la pièce et qui scande nos pas me paraît faux ; j'ai envie de briser le ressort et de hurler que la magie ce n'est pas l'artifice grossier, mais l'enfance jamais perdue, toujours réchauffée entre les doigts gourds de cette chiennerie de vie. Derrière un rideau une petite pièce avec une soufflerie censée vous donner l'illusion de vous envoler au pays du Jamais. Je ne souris même pas devant cette naïveté grossière. Mais, derrière moi, dans un coin de la pièce, une vitrine et un trésor : deux costumes originaux de la pièce Peter Pan, dans celui à votre droite il y a une patte de biche (ou d'un animal de ce genre) qui dépasse d'une poche... Voici qui me fait de l'oeil. Mon sourire est vaste.

Il est d'autres photographies que je ne montrerai pas, car j'espère que vous vous rendrez dans cette maison et je ne veux pas vous gâcher le plaisir de la découverte de petits détails charmants. Il existe aussi un mignon jardinet dédié à Peter Pan plus qu'à Barrie lui-même. Je me suis prise un instant pour Alice qui pénètre dans le terrier du lapin en me jetant dans la gueule du crocodile...

Je suis très satisfaite de l'usage de mon anglais et de ma compréhension miraculeuse de 99 pour 100 de tout ce que j'ai entendu (les écossais n'ont pas l'accent qu'on leur prête ou bien de la poussière de fée m'a permis de tout saisir !) mais c'est de mon langage-chat dont je suis la plus ravie... Oui, car je miaule aussi bien en français qu'en anglais et je ne connais pas un seul chat qui me résiste.

Celui-ci est venue à moi devant la maison natale de Barrie...

***

CAMERA OBSCURA : 

 

 

Les détails techniques m'ennuient - ce n'est pas de la paresse, mais de l'impatience - et je ne suis pas encline à faire effort d'expliquer moins bien que d'autres ne l'ont fait avant moi un procédé simple dans l'agir mais délicat dans l'exposition, alors je vous renvoie à la savante description de mes compagnons de vagabondages intellectuels, si vous ignorez le principe de la chambre obscure :

"Le concept de chambre noire remonte à l'Antiquité. Dans un de ses traités de philosophie naturelle, Aristote (385 env.-322 av. J.-C.) évoque la possibilité d'observer directement certains phénomènes célestes, comme le mouvement solaire, dans une pièce obscure au fond de laquelle on recueille une projection inversée de la réalité extérieure grâce à la lumière transmise par une petite ouverture. Ce dispositif sera régulièrement employé au Moyen Âge pour se prémunir des lésions rétiniennes liées à l'observation directe des éclipses du soleil. À la Renaissance, ses performances sont améliorées par l'introduction d'une lentille biconvexe, puis par le montage d'un diaphragme placé au contact de la lentille. Au XVIIe siècle, les perfectionnements successifs apportés à la camera obscura, comme la mise en place d'un miroir incliné à 45 degrés permettant de restituer l'image fournie sur un plan horizontal, en font une « machine à dessiner » dont l'usage se répand auprès des peintres et des dessinateurs. Sous cette dernière forme, la camera obscura a incontestablement suscité, auprès de certains de ses utilisateurs, le besoin d'un outil encore plus performant pour les relevés exécutés d'après nature, et a participé à la mise en place d'un besoin de la photographie."
© Encyclopædia Universalis 2006, tous droits réservés

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"CHAMBRE OBSCURE, ou CHAMBRE CLOSE, en terme d'Optique, est une chambre fermée avec soin de toutes parts, & dans laquelle les rayons des objets extérieurs étant reçus à travers un verre convexe, ces objets sont représentés distinctement, & avec leurs couleurs naturelles, sur une surface blanche placée en-dedans de la chambre, au foyer du verre. Outre ces expériences que l'on peut faire dans une chambre ainsi fermée, on fait des chambres obscures, ou machines portatives, dans lesquelles on reçoit l'image des objets extérieurs par le moyen d'un verre. Voyez OEIL ARTIFICIEL.
La premiere invention de la chambre obscure est attribuée à Jean-Baptiste Porta.
La chambre obscure sert à beaucoup d'usages différens. Elle jette de grandes lumieres sur la nature de la vision ; elle fournit un spectacle fort amusant, en ce qu'elle présente des images parfaitement semblables aux objets ; qu'elle en imite toutes les couleurs & même les mouvemens, ce qu'aucune autre sorte de représentation ne peut faire. Par le moyen de cet instrument, sur-tout s'il est construit conformément à la derniere des trois manières de le construire dont on parlera plus bas, quelqu'un qui ne sait pas le dessein pourra néanmoins dessiner les objets avec la dernière justesse & la dernière exactitude ; & celui qui sait dessiner ou même peindre, pourra encore par ce même moyen se perfectionner dans son art.
(...) Construction d'une chambre obscure, dans laquelle les objets de dehors seront représentés distinctement & avec leurs couleurs naturelles, ou de haut en bas, ou dans leur vraie situation. 1°. Bouchez tous les jours d'une chambre dont les fenêtres donnent des vues sur un certain nombre d'objets variés, & laissez seulement une petite ouverture à une des fenêtres. 2°. Adaptez à cette ouverture un verre lenticulaire, plan, convexe, ou convexe des deux côtés, qui forme une portion de surface d'une assez grande sphère. 3°. Tendez à quelque distance, laquelle sera déterminée par l'expérience même, un papier blanc ou quelques étoffes blanches, à moins que la muraille même ne soit blanche ; au moyen de quoi vous verrez les objets peints sur la muraille de haut en bas. 4°. Si vous les voulez voir représentés dans leur situation naturelle, vous n'avez qu'à placer un verre lenticulaire entre le centre & le foyer du premier, ou recevoir les images des objets sur un miroir plan incliné à l'horison sous un angle de 45 degrés ; ou enfermer deux verres lenticulaires, au lieu d'un dans un tuyau de lunette. Si l'ouverture est très-petite, les objets pourront se peindre, même sans qu'il soit besoin de verre lenticulaire.
Pour que les images des objets soient bien visibles & bien distinctes, il faut que le soleil donne sur les objets [par chance, il faisait grand beau temps pendant tout notre séjour] : on les verra encore beaucoup mieux si l'on a soin de se tenir auparavant un quart-d'heure dans l'obscurité. Il faut aussi avoir grand soin qu'il n'entre de la lumiere par aucune fente, & que la muraille ne soit point trop éclairée."
L'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert

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Nous nous retrouvons dans un univers où les distances sont confondues, trompeuses, où lilliputiens et géants se donnent la main. Un peu à la manière de Gulliver, bien sûr, dans un état d'esprit swiftien fort délectable et nous nous affalons sur le tapis moelleux de notre imagination.

James Matthew Barrie avait songé et conçu le projet de cette Chambre Noire à l'intention des enfants, en premier lieu, afin de les amuser et de les émerveiller. Il offrit ce cadeau somptueux à Kirriemuir en 1929 et fut enfin fait citoyen d'honneur de la ville, ce qui dut le rendre très heureux et ceci constituait une manière de réconciliation, car les Scots lui en voulaient un peu de s'être moqué d'eux - ce n'était pas le cas, ou alors très gentiment, mais cela fut perçu ainsi par certains - dans ses esquisses de Thrums. Les écossais, m'explique une enfant du pays, Sheila, aiment que l'on réussisse dans la vie, mais pas de manière trop éclatante, et surtout pas trop loin du lieu natal. Barrie est parvenu au sommet, mais à Londres... et l'on sait la relation passionnée, pour ne pas dire pire, qui existe entre les anglais et les écossais. A juste titre, car je défendrai toujours les écossais. Je suis une Jacobite farouche dans mes jeux, comme Barrie, enfant, le fut dans le bois de Caddam...

Et ses oeuvres en portent la trace :

"The mystery of woods by moonlight thrilled the little minister.His eyes rested on the shining roots, and he remembered what hadbeen told him of the legend of Caddam, how once on a time it was amighty wood, and a maiden most beautiful stood on its confines,panting and afraid, for a wicked man pursued her; how he drewnear, and she ran a little way into the wood, and he followed her,and she still ran, and still he followed, until both were for everlost, and the bones of her pursuer lie beneath a beech, but thelady may still be heard singing in the woods if the night be fine,for then she is a glad spirit, but weeping when there is wildwind, for then she is but a mortal seeking a way out of the wood." The Little Minister, entre autres exemples.

Nous rencontrons le gardien des lieux. Je lui demande depuis combien de temps il travaille ici. Il me répond qu'en réalité il a cessé d'y travailler depuis 10 ans (!) mais qu'il est difficile de trouver quelqu'un qui accepte de prendre la relève, alors il sort de sa retraite pour l'agrément des rares visiteurs. Il n'y a aucune lassitude en lui. Pourtant, il vit dans la solitude d'un gardien de phare, qui sculpte l'échec des heures avec la faux de la mélancolie. Parfois, la visite d'un autre camarade de vieillesse, qui vient remplir des grilles de mots croisés près de lui, dans l'attente de l'aventureux visiteur, lui tient compagnie. Il ne lèvera pas le regard sur nous, acharnés à gommer son journal. Je ne sais pourquoi mais je songe aux allumeurs de réverbères de jadis. Le guide met une étincelle dans ses mains et la porte devant mes yeux. Il est le maître des ombres, du clair-obscur, là-haut, dans la petite chambre. Il dit de ne pas avoir peur, car il va éteindre la lumière. C'est un homme sympathique, avec un bel accent écossais, que je prends et fait tourner dans mon oreille comme sur un tour de potier. J'ai l'impression alors d'écouter des bruits fauves et secs dans le ventre d'un coquillage. Mon bonheur est indécent. Je paierai au centuple, un jour, cette jouissance de l'instant, je le pressens. On offense toujours les dieux en proclamant le bonheur.

On se sent menés avec une main sûre d'elle dans ce voyage immobile. Il actionne pour notre plaisir (nous sommes seuls, l'endroit est désert, comme chacun des lieux que nous avons visités, ayant le sentiment à chaque fois d'une invitation privée) la machinerie féerique. Apparaissent peu à peu sur l'écran rond, autour duquel on tourne de temps en temps, des paysages à plusieurs dizaines de miles (jusqu'à 70 miles !). Vous n'imaginez pas l'effet saisissant ! On voit un chien courir, des enfants sur une balançoire. Si lointains et si proches. Parfois, il prend une loupe et la pose sur l'image. On pourrait les prendre dans la main ces bonhommes, alors qu'ils sont éparpillés à des kilomètres de nous dans l'espace. On dirait des miettes de pain qu'un géant aurait semé du ciel sur la terre. Tout est possible.
C'est beau et c'est simple.
Je mange de ce pain-là avec gourmandise.
Petites images extraites de la vidéo réalisée par "M. Holly", si je puis me permettre de l'appeler ainsi.

La main de notre guide nous désigne le Glen Prosen, lieu de promenade de Jimmy, dont je devrais vous reparler bientôt, car le voyage n'est pas terminé... et il me reste des vidéos et des mots à engranger ici.

Cette technique, et on le comprend aisément, a beaucoup inspiré les peintres.

Je profite de l'aubaine de rencontrer un habitant de Kirriemuir cultivé et affable, bien intentionné à l'égard de Barrie, afin de lui demander des détails sur une de mes recherches depuis quelques mois, les pierres de Logan. En effet, le mini-roman de Barrie, Adieu miss Julie Logan, fait implicitement référence à ces "rocking stones" et je veux vérifier mes intuitions et informations sur le sujet. L’Angleterre recèle beaucoup de ces formations géologiques étranges, de ces pierres énormes et étonnantes qui, sous l’effet de forces diverses, à différents endroits de leur stature, peuvent se mouvoir d’avant en arrière, sans pour autant dégringoler. Une très faible poussée – un doigt ou un souffle de vent - peut les faire bouger dans un sens, mais toute la force de plusieurs hommes ne parvient pas à les mouvoir dans un autre sens. Il en existe à divers endroits du monde, notamment en Galicie. Beaucoup de légendes évoquent ces pierres qui se balancent... Qui me lira en saura davantage un jour... Pour l'heure, je pense être en mesure d'affirmer qu'il en existait une aux alentours de Kirriemuir autrefois, à l'époque de Jimmy ou avant sa naissance...

Il ne peut pas me renseigner, pas plus que ne furent en mesure de le faire ceux à qui je l'ai demandé, mais il m'indique une autre espèce de pierre, située non loin, sur le même terrain (pour information, je mesure un tout petit mètre soixante-sept, ceci afin de vous faire une idée de la taille de la pierre) :


Kirriemuir recèle beaucoup de pierres, certaines sculptées, et qui ont un rôle plus ou moins précis dans le folklore local. Mais je m'éloigne de mon premier sujet...

 ***

GLEN PROSEN :

Barrie aimait beaucoup les glens d'Angus. Lisez-le ! Vous en aurez la preuve. Je suis persuadée que nos attirances nous révèlent et le paysage écossais, gravé dans ma mémoire, donnera une autre dimension à mes traductions et à ma compréhension de l'oeuvre. Ceci est une évidence.

Difficile d'imaginer ces jolis agneaux et moutons sous forme de côtelettes ou de gigots. Songez-y au prochain repas dominical... Personnellement, je n'en ai jamais mangé de ma vie entière. L'idée me révulse. J'aurais aimé, en revanche, en prendre un dans mes bras.

 

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PETER PAN :

Vous l'attendiez tous. Ne dites pas le contraire ! C'est lui le héros de l'histoire, même si je lui préfère Hook... (Je ne parle pas de vous, Jim...) Sur cette place, autour de la statue, trois bancs sur lesquels sont gravés des citations de Peter Pan, dont celle-ci : "But undoubtedly the grimmest part of him was his iron claw." En face, un hôtel qui ne me séduit pas et qui porte le nom de Hook. Ne cherchez pas davantage, le culte de Sir Barrie et de Peter Pan est très discret dans la ville, malgré les apparences. Peu de produits dérivés sont vendus - tant mieux, mais je n'ai pu résister à une Tinker Bell en argent, sous forme de pendentif, et à un collier porte-bonheur achetés ici... Je suis une créature faible.

Clichés :

[Le Peter Pan du jardin de la maison natale, à Brechin Road.]

[Le Peter Pan de High Street.]

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THE GLAMIS CASTLE :

La fin du voyage approche... Il serait vain de croire pouvoir tout dire et tout montrer ici. Il faut préserver un peu d'inconnu pour le livre à venir et laisser errer mon désir de raconter. Si, un jour, vous allez rendre visite à Barrie, dans ses terres, je vous recommande le Lochside Lodge and Roudhouse Restaurant, non loin de Kirriemuir - dans la ville même de Barrie, rien ne me fit envie en terme de logement provisoire, excepté sa maison natale ou Strathview ! Il n'y a que 6 chambres dans notre repaire, meublé en pin ciré (mon goût, j'adore les meubles de ce style-ci), de manière absolument charmante. J'espère y retourner en 2010 pour les célébrations barriennes prévues - si Dieu me prête vie. La cuisine est excellente - oubliez vos préjugés ! - et l'endroit situé dans un lieu idyllique, en face d'un loch (sans monstre marin apparent, sinon des journalistes de Channel 4 qui nous ont filmés !) :

Il eût été dommage de ne pas profiter de notre voiture de location pour visiter les alentours ; c'est ainsi que nous nous découvrîmes un château de contes de fées cruels comme j'aime à les rêver. Et, je vous contredis de suite, avant que votre langue ne se déplie en bouche : il y a un lien avec Barrie ! Petit, mais réel. L'atmosphère me prit de court dès l'entrée, dans l'immense allée qui semble taillée sur un continent entier et que nous remontâmes, avec nonchalance, dans notre Ford noire. L'entrée se fait par le "Portail du Diable". Oui, le château de Glamis (ne prononcez pas le "i"), est une merveille, un avant-goût, peut-être, des frissons que j'espère éprouver à la visite, bientôt, de ceux de Louis II de Bavière, que ma Fauna appelle le "Roi des Contes", elle qui est, incontestablement, la reine des miens et de ses chanceux lecteurs. Je parlerai un jour de la passion que je partage avec mon amie pour Ludwig

et Elizabeth.


Ce château, outre le fait d'être le lieu où Elizabeth Bowes-Lyon

ou si vous préférez la Reine Mère Elizabeth (la mère d'Elizabeth II, elle-même la mère du Prince Charles - précision pour ceux qui ne sont pas férus de généalogie, mais tout de même...) passa son enfance et où la Princesse Margaret,

 

 

sa fille, naquit (le lien avec Barrie est là*) est réputé pour être celui qui est le plus hanté de toute l'Ecosse - ce qui n'est guère étonnant si l'on considère les meurtres qui s'y déroulèrent et autres abominations. Il est aussi, vous le savez, en lien avec la pièce de Shakespeare, Macbeth. Ce dernier étant le Thane [un seigneur féodal] of Glamis. Ce souvenir impose déjà une certaine pression sur l'imaginaire et je me fais l'effet d'un étrange médium d'une autre époque, si lointaine qu'il me faut un long sommeil pour me souvenir et dériver dans les limbes. Il y aussi Defoe (un espion à la solde des anglais, le saviez-vous ?) ou bien Walter Scott qui ont écrit sur ce château. Nous sommes au confluent de plusieurs histoires, réelles et imaginaires. Croyez-le ou non, mais j'ai eu une expérience étrange dans les lieux, aventure que je choisis de ne point évoquer ici, de crainte de paraître encore plus fantasque que d'ordinaire. J'ai tout de même été approchée par deux présences particulières pendant mon séjour en Ecosse. Sachez simplement que je me suis entichée, depuis, de l'histoire de Janet Douglas que je m'apprête à vous conter ici même, trop brièvement, car le temps m'est autant compté que celui de Hook. Vous trouverez ici des chardons d'Ecosse, des roses d'Angleterre et les lions de la famille Lyon. Vous traverserez une crypte, vous serrez retenu en otage par une côte de maille, dégoûté par d'horribles têtes de gibier empaillées, ici et là, et une main vous serrera la nuque sans pour autant vous la briser. "La" fameuse chambre secrète, qui a fait couler tant d'encre, se situerait dans l'épaisseur des murs de la crypte. Dans cette pièce, l'un des seigneurs de Glamis aurait joué aux cartes avec le Diable lui-même... Aujourd'hui cette pièce est murée à jamais. Mais il en existe d'autres... L'une d'entre elles aurait abrité le "monstre de Glamis", le fils premier-né des arrière-arrière-grands-parents d'Elizabeth, la Reine Mère. Il aurait été difforme et caché toute sa vie ou bien noyé. Aucune trace de sa tombe... Personne ne sait s'il s'agit d'une histoire réelle ou d'une légende ; un livre de James Wentworth Day, The Queen Mother's Family Story, accrédite la thèse de l'histoire véridique. Bien avant lui, dans les cercles (pré-)victoriens, on discutait de l'événement. En 1880, par exemple, un article anonyme de la célèbre revue All The Year around, évoquait la découverte macabre d'un maçon... On dit aussi que de nombreux visiteurs, de nuit, furent dérangés par un géant aux longs cheveux, à quatre heures du matin... D'autres prétendirent qu'il était de la taille d'une pince à linge... Les divers Comtes de Strathmore, qui se succèdèrent comme des dominos, refusèrent de discuter de la chose et cela encouragea la rumeur. Mais elle n'avait pas besoin de ce silence pour se faire grosse.

C'est de la chapelle dont, toute ma vie, je me souviendrai. Non pas que je sois pieuse ou simplement croyante. Mais la Dame Grise hante les lieux et l'on suppose qu'il s'agit de Janet Douglas (même si la chapelle n'existait pas à son époque), Lady Glamis, la malheureuse, rendue aveugle par l'obscurité de sa cellule et brûlée à Edimbourg, en 1537, condamnée pour sorcellerie... C'est James V, le cruel, qui fut responsable de son destin tragique. Depuis ce jour, il est une chaise au fond de la chapelle sur laquelle personne ne s'assoit, sa chaise. Personne. Personne. Personne. Personne, exceptés ceux qui en ressentent une irrépressible envie et qui n'ont pas une main pour les tirer en arrière... Que leur advient-il ensuite ?

Je n'ai pas le coeur de vous conter l'histoire du petit garde mort de froid, par une nuit d'hiver, qui fait maintenant trébucher les visiteurs...

Promenons-nous ailleurs ! Inventons d'autres légendes.

Les jardins du château sont tellement vastes que vous n'en ferez pas le tour. Ils ont des visages multiples : sauvageons ou tracés à l'italienne, parfois entourés d'un mur ou traversés d'un ruisseau chantant, marqués ici et là de limites, qui sont celles de la propriété intime des habitants actuels... Je ressentis une béatitude rousseauiste.

Le cimetière des animaux (vous savez à quel point j'aime ces endroits) des Maîtres des lieux :

Un arbre à la Rackham :

Des spécimens de veaux des Highlands, très remarquables avec leur frange qui leur tombe dans les yeux, mais visiblement très craintifs, puisque je n'ai pas réussi à établir un contact avec eux, malgré mes tentatives aussi bien en français qu'en anglais...

A ma vue, ils s'enfuirent tous.

Venez visiter ce blog admirable tout entier consacré à l'Ecosse !

* Dans sa dernière pièce, The Boy David, Barrie utilisa une petite phrase de la Princesse Margaret et promit à cette dernière de lui verser des droits d'auteur, à chaque représentation. Elle le connut dès l'âge de... trois ans. Elle disait de Jamie : "Il est mon ami le plus noble et je suis son amie la plus noble." En mars 1937, deux mois après la fin de la pièce, le roi George VI envoya à Barrie une lettre le menaçant de poursuites si la dette n'était pas acquittée. Barrie adorait ce genre d'humour et prépara la somme (55 pennies !) mais mourut avant de pouvoir les remettre en mains propres à l'intéressée...


~Part I : À londres, sur les traces de

J.M.B.
~

~Part II : L'Écosse ~

~Part III : Black Lake ~

~Part IV : Édimbourg et Les

Hébrides ext. (Part I - Part II) ~


~Part V : Les Hébrides int. (voyage

en devenir) ~

~Part VI : Stanway (voyage en

devenir) ~